Accueil > Accueil > Lettre plaidoyer de Synergie-Togo au maire de Colmar pour la libération d’Antoine Randolph

Monsieur Gilbert MEYER
Maire de Colmar
1, place de la Mairie BP 50528
68021 Colmar Cedex

Paris, le 10 mars 2016

Cher Monsieur le Maire,

Synergie-Togo, association de la diaspora togolaise en France, souhaite par la présente vous informer de l’enlèvement et de la détention arbitraire du Docteur Antoine Randolph au Togo et solliciter votre soutien en vue d’obtenir la libération de ce citoyen français, colmarien.

En effet, dans un communiqué daté du 25 février 2016, Synergie-Togo avait dénoncé l’enlèvement et la détention, le 17 Février 2016, du Docteur Antoine Randolph, médecin Franco-Togolais résidant à Colmar.

Le Docteur Randolph avait été kidnappé par les éléments du Service de Recherche et d’Investigation (SRI), quelques jours avant la fin de son séjour au Togo où il était de passage. Alors que la loi togolaise prévoit un délai maximum de garde à vue de 48 heures, extensible à 72 heures, avec la présence d’un avocat dès la première heure, le Docteur Antoine Randolph, détenu au secret pendant plusieurs jours, n’a pas pu se faire assister d’un avocat, ni recevoir la visite des représentants d’organisations de défense des droits humains.

Ce n’est que le 25 février, soit plus d’une semaine après son enlèvement, que le Ministre de la Sécurité et de la Protection civile du Togo, répondant au questionnement de la presse au sujet de cette arrestation, a confirmé l’arrestation du Français, sans précision sur le lieu de sa détention ni sur les motifs réels de cette interpellation. Les propos tenus par le Ministre dans sa réponse sont pour le moins surprenants :

” L’intéressé même ne se plaint pas, il sait que ce n’est pas gratuit… Ce n’est pas un enfant, … il se retrouve très bien dans les questions qu’on lui pose. Il a été interpellé pour des raisons de sécurité…”

Il a fallu attendre le 4 mars 2016, soit plus de deux semaines après ladite interpellation pour que le procureur près la cour de justice de Lomé officialise les charges d’” atteinte à la sécurité intérieure ” retenues contre le détenu.

Opposant présumé au régime dictatorial du Général Gnassingbé au cours des années ’80, le Docteur Randolph avait déjà été arrêté le 14 septembre 1985, incarcéré et torturé avec une quinzaine d’autres personnes, ainsi que sa sœur, pour détention de littérature subversive et outrage à l’autorité publique. Il fut condamné à une peine de cinq années de prison le 30 juillet 1986 pour “outrage au chef de l’Etat par moyen de tracts“. Gracié le 12 janvier 1987 à la suite des pressions exercées par des organisations internationales de défense des droits humains, il fut contraint à l’exil en France en qualité de réfugié politique et acquit la nationalité française.

L’enlèvement et la détention actuels du Docteur Antoine Randolph par la dictature dynastique et clanique qui régente le Togo depuis 1967 seraient-ils liés à la plainte qu’il a déposée contre l’Etat togolais auprès du Comité des droits de l’Homme de l’ONU en décembre 1999 ? (1)[i]

En tout état de cause, dans un pays comme le Togo où la justice n’est ni impartiale, ni indépendante et où des personnes mises en cause par les déclarations du Docteur Randolph auprès du Comité des droits de l’Homme occupent encore de hautes et importantes fonctions dans les instances de l’Etat, nous en appelons aux autorités politiques françaises afin qu’elles pèsent de tout leur poids et usent de leur influence pour obtenir la libération sans conditiondu Docteur Antoine Randolph. En effet, Synergie-Togo craint pour la vie de cet homme âgé de soixante-quatorze (74) ans, qui a de plus déjà subi les sévices et les dures réalités de la détention dans les geôles du Togo.

Vous conviendrez que la stabilité et la sécurité intérieure ne peuvent plus, de nos jours, être évoquées pour justifier d’arrestations arbitraires et de violation des droits de citoyens !

Par ailleurs, cette arrestation jette le discrédit sur la politique de réconciliation prétendument engagée par le gouvernement de Mr Faure Gnassingbé pour la reconstruction du Togo, notamment pour séduire et encourager le retour au Togo des cadres de la diaspora. Elle est d’autre part en parfaite contradiction avec l’élection du Togo en Octobre 2015 comme membre du Haut Commissariat aux Droits de l’Homme (HCDN) dont il est censé respecter les règles. Enfin, l’arrestation du Docteur Randolph caractérise le double langage du régime de Mr Faure Gnassingbé et prouve que ce régime est loin d’être l’Etat de droit démocratique qu’il se targue d’être.

Comptant sur votre humanisme afin de nous aider à obtenir la libération dans les plus brefs délais et sans conditions du Docteur Antoine Randolph, nous vous prions d’agréer, cher Madame, cher Monsieur le Maire, l’expression de notre considération distinguée.

Synergie-Togo et moi-même nous tenons à votre disposition pour toute information complémentaire que vous souhaiteriez avoir.

Pour Synergie-Togo

Brigitte Améganvi
La Présidente

(1) Pièce jointe : rapport ; NATIONS UNIES CCPR Pacte international Relatif aux droits
Civils et politiques [i] Comité des droits de l’homme
Soixante- dix- neuvième session
20 octobre – 7 novembre 2003
CONSTATATIONS
Communication N ° 910/2000
Présentée par: M. Ati Antoine Randolph (représenté par un conseil, Me Olivier Russbach).