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COMMUNIQUE DE PRESSE

NON AU COUP DE FORCE CONSTITUTIONNEL AU TOGO

Le peuple togolais ne saurait être privé de la seule élection
qui lui garantisse que chaque citoyen pèse une voix



Au Togo, en marge des préparatifs pour la tenue des élections législatives et régionales qui devaient se tenir le 20 avril 2024, un groupe de députés a introduit au Parlement, le 24 décembre 2023, une proposition de changement de constitution. Le 25 mars 2024, la nouvelle Constitution a été adoptée en plénière par l’Assemblée nationale, suscitant une levée de bouclier de la part de la société civile et des partis politiques d’opposition, en raison de graves irrégularités dans la procédure. Face aux vives contestations, le 29 mars 2024, le Chef de l’Etat Faure GNASSINGBE a renvoyé le texte à l’Assemblée pour relecture.

Alors que les Togolais se préparaient à entrer en campagne électorale pour les élections législatives et régionales à partir du jeudi 04 avril 2024, dans l’après-midi du mercredi 03 avril 2024, un communiqué du gouvernement annonce un report sine die des élections, en vue de permettre à l’Assemblée Nationale d’engager de « larges consultations » avant une nouvelle adoption du texte par le parlement.

Cette procédure de révision constitutionnelle engagée par le régime togolais est entachée des irrégularités suivantes :

  1. La fin du mandat de l’actuelle législature depuis décembre 2023 et son renouvellement imminent (le corps électoral a déjà été convoqué par décret n°2024-018/PR du 23 février 2024 pris par le Président de la République, modifiant le décret n°2024-011/PR du 08 février 2024 portant ouverture et clôture de la campagne électorale pour les élections législatives et régionales de 2024) dépouillent cette institution de sa légitimité à procéder à une révision totale et à voter une nouvelle Constitution[1] ;
  2. Le peuple togolais a été tenu à l’écart de la procédure, aucune composante n’ayant été informée ni consultée, pour une procédure de révision d’une telle envergure, faisant basculer le Togo du régime semi-présidentiel de la quatrième république à un régime parlementaire d’une cinquième république. Désormais les Togolais ne voteront plus pour élire leur Président. Celui-ci, de même que le président du conseil des ministres seront désignés par le Parlement, « sans débat ». Le Parlement a donc soigneusement pris soin de s’arroger le droit d’adoption et d’éviter de soumettre la nouvelle Constitution au vote solennel du peuple togolais. Un article de presse fait d’ailleurs état d’une manipulation du vote, cinquante (50) députés seulement au lieu des quatre-vingt-neuf (89) mentionnés auraient en réalité voté en faveur du texte ;
  3. C’est par un simple communiqué du gouvernement que la décision du Président de la République de suspendre le processus électoral en cours a été rendue publique. Un simple communiqué gouvernemental suffit-il à annuler le décret présidentiel de convocation du corps électoral ?
  4. L’un des acquis démocratiques obtenus de haute lutte lors des mobilisations populaires de 2017-2018 a été la réintroduction dans la Constitution en 2019, de la disposition suivante (Article 59) : « Le Président de la République est élu au suffrage universel, libre, direct, égal et secret pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois.

    Cette disposition ne peut être modifiée que par voie référendaire… ».
  5. Il en résulte qu’aucune modification du mode d’élection du Président de la République et de la durée de son mandat ne peut faire l’économie d’un référendum populaire.
    Toute cette saga autour de la Constitution togolaise traduit une volonté du Chef de l’Etat de mettre en œuvre, coûte que coûte, une stratégie de perpétuation d’un pouvoir, dont il a hérité en 2005 au décès de son père. Il esquive ainsi le suffrage universel direct, le seul qui permettait à chaque citoyen de compter pour une voix, au profit de grands électeurs issus d’un processus d’apartheid électoral où le nombre de citoyens élisant un député varie d’un rapport de 1 à 10 électeurs selon les circonscriptions électorales[2]. Rappelons qu’à la suite du décès de son père, un double coup d’Etat militaire et constitutionnel a permis de prendre les rênes d’un pouvoir consolidé ensuite par un coup de force électoral, dont la contestation avait engendré des centaines de morts.
  6. Au demeurant, par ses actes, le pouvoir togolais démontre sa volonté de déconstruire un processus de démocratisation et la possibilité d’une alternance pacifique que le peuple togolais appelle de tous ses vœux depuis des décennies. Ces violations des droits fondamentaux, face auxquelles la Cour constitutionnelle du Togo garde le silence, sont également perpétrées en violation de l’article 23 de la Charte de l’Union africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance et de l’article 2 du Protocole A/SP1/12/01 de la CEDEAO sur la Démocratie et la bonne gouvernance[3]

II est consternant d’observer qu’au moment où s’opère un renversement du régime constitutionnel du Togo, en vue de la perpétuation d’un pouvoir dynastique qui régente le pays depuis 57 ans, le Sénégal vient de faire la démonstration magistrale de la force et des vertus de la démocratie. Et avant le Sénégal, Georges WEAH au Liberia a montré à la jeunesse africaine qu’il y a une vie après la présidence.

Face à ce coup d’Etat constitutionnel en cours, Synergie-Togo appelle :

  • Le peuple Togolais à se mobiliser et à s’opposer massivement à cette rupture de l’ordre constitutionnel, comme l’art 45[4] de la constitution leur en donne le droit, à travers toutes les actions organisées pour leur permettre de s’exprimer ;
  • Le gouvernement togolais à retirer son projet de nouvelle Constitution, à mettre fin aux violations constantes des droits humains au Togo, à s’ouvrir aux vertus de la démocratie, à ouvrir l’espace civique et politique particulièrement rétréci et à respecter le processus électoral en cours;
  • La CEDEAO et l’UA à prendre leurs responsabilités face à cette forfaiture de renversement du régime constitutionnel au Togo qui viole les textes régionaux[3]. Les coups d’Etat constitutionnels sont tout aussi délétères que les putschs et méritent une réaction ferme en vue de préserver les acquis démocratiques en Afrique.

Fait à Paris le 08 avril 2024

Pour Synergie-Togo, le Président

Kanyi Eric AMOUZOUGAH

Association sans but lucratif créée à Paris en 2008, Synergie-Togo a pour objectif de contribuer au développement économique, social et culturel du Togo. L’association a pour mission de sensibiliser les membres de la diaspora togolaise quant à leurs responsabilités vis-à-vis de leur pays d’origine. Elle sert également de cadre de réflexion et d’actions mobilisant les compétences et expériences diverses en vue de la promotion des valeurs de solidarité, de démocratie et des droits humains.


[1] Art 144 de la Constitution de la 4ème République – alinéa 5 : Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie en période d’intérim ou de vacance ou lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire

[2] https://www.synergietogo.com/togo-apartheid-electoral-2e-note-de-situation-election-legislative-du-20-avril-2024/

Voir Figure 3 page 8 : 1 député représente 20 000 habitants dans la circonscription électorale de Danyi contre 163 000 habitants dans la circonscription électorale du Golfe

[3] https://au.int/sites/default/files/treaties/36384-treaty-0034_-_african_charter_on_democracy_elections_and_governance_f.pdf

https://www.synergietogo.com/storage/2015/05/ecowas2001protocol1.pdf

[4]  Article 45 de la Constitution de la 4ème République

Tout citoyen a le devoir de combattre toute personne ou groupe de personnes qui tenterait de changer par la force l’ordre démocratique établi par la présente Constitution.