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TOGO: LES FORCES DEMOCRATIQUES MERITENT UN SOUTIEN IMMEDIAT

Au pouvoir au Togo depuis 1967, la dictature dynastique fortement contestée a du mal à passer le cap des 50 ans. A l’origine de la profonde exaspération de la population se trouve une série de maux dont :

  • le non respect des engagements et accords signés,
  • la mise en coupe réglée des institutions de la république œuvrant de concert à la pérennisation du système,
  • la prédation des ressources économiques du pays au profit d’une poignée de fidèles, alors qu’une écrasante majorité de la population croupit dans la misère.

Les manifestations de 19 et 20 Août 2017 réclamant le retour à la constitution
originelle de 1992 ainsi que le droit de vote de la diaspora violemment réprimées, ont fait 7 morts. Lors de celles des 6 et 7 Septembre qui avaient pour mot d’ordre “50 ans ça suffit” les forces de l’ordre ont également fait un usage disproportionné de la force.
Les forces démocratiques du Togo méritent un soutien immédiat car c’est en bafouant les droits élémentaires des populations, en privant leur jeunesse de travail et de toute perspective que les régimes autocratiques poussent les jeunes à trouver dans l’immigration clandestine ou l’acceptation des emplois et mirages proposés par les groupes terroristes l’unique issue de leur avenir.

L’HEGEMONIE D’UN POTENTAT

Le Général Gnassingbé Eyadéma dirigea le Togo d’une main de fer pendant 38 ans de 1967 à 2005. Le 31 décembre 2002, afin de briguer un troisième mandat présidentiel et de se faire succéder par son fils, il fît modifier la Constitution adoptée par référendum en
octobre 1992, avec l’aide de l’assemblée nationale où son parti, le Rassemblement du
Peuple Togolais imposé comme parti unique en 1969, détenait plus de 90% des sièges. Ce
n’est qu’en 1992 que le multipartisme sera légalisé, au terme d’une transition démocratique
qui essuya plusieurs coups de force de l’armée.

DEUX COUPS D’ETAT EN 48 HEURES

Le 5 février 2005, dès l’annonce publique du décès de son père, Faure Gnassingbé prend le
pouvoir au Togo avec le concours de certains officiers et ce, au mépris des dispositions
constitutionnelles confiant l’intérim de la présidence de la République au Président de l’Assemblée Nationale durant 60 jours.

Par déclaration en date du 6 février 2005, le Bureau Politique du Rassemblement du
Peuple Togolais toujours au pouvoir, approuva le coup d’Etat militaire. Dans le but de légaliser ce coup de force, l’Assemblée Nationale perpétra à son tour un coup d’Etat
anticonstitutionnel dès le lendemain, en révisant la constitution et le code électoral.
L’article 144 de la constitution qui interdit en effet toute procédure de révision en période
d’intérim ou de vacance, ainsi que les articles 65, 99 et 104 étaient violés.

Finalement, la Cour Constitutionnelle entérinera le coup d’Etat le 7 février en recevant le
serment de Faure Gnassingbé, sans relever que ce dernier avait promulgué la veille, la Loi
Fondamentale sur laquelle il prêtait serment.

 

LÉGALISATION DES COUPS D’ETAT PAR UN COUP DE FORCE ÉLECTORAL

In fine, les coups d’Etat, militaire puis constitutionnel, seront légalisés par des élections
frauduleuses, sous l’égide de la CEDEAO, élections dont la contestation, lourdement
réprimée, causera au moins 500 morts, des blessées et plus de 100 000 réfugiés dans les
pays voisins. Plus tard, à peu près le tiers de ces réfugiés seront transférés dans différents
pays Occidentaux.

Depuis lors, Mr Faure Gnassingbé s’est maintenu au pouvoir par des élections frauduleuses
(2010 et 2015), ce qui rend d’autant plus intolérable que le pays soit dirigé, depuis plus de
50 ans par la famille Gnassingbé.

L’omnipotence de ce clan s’appuie sur une armée tribale, sur préemption de toutes les
institutions de la République, ainsi que la prédation de toutes les ressources économiques
du Togo. Près de 90% des 7 millions de Togolais n’ont connu qu’une seule famille au
pouvoir depuis leur naissance.

LA CONFIANCE BRISÉE ET LA QUÊTE DU CHANGEMENT

La marche pacifique organisée à l’appel du Parti National Panafricain (PNP) le 19 août 2017
dans plusieurs villes du Togo et à l’étranger, avait pour objectif de réclamer le retour à la
constitution originelle de 1992 ainsi que le droit de vote de la diaspora.
Cet appel reposait en partie sur les 22 engagements souscrits le 14 Avril 2004 par le
gouvernement, à l’issue des consultations avec l’Union Européenne en vue d’une
réconciliation nationale et d’;une reprise de la coopération interrompue depuis 1993.
En outre, l’accord politique global (APG) signé en août 2006 après une longue période de
négociation inclusive devait :

  • Solder les conséquences des violences politiques de 2005 et lancer un processus de
    justice transitionnelle ;
  • Donner une chance à Faure Gnassingbé de rétablir les torts causés par la gouvernance
    de son père ;
  • Opérer des réformes constitutionnelles et institutionnelles approfondies afin de
    relancer le processus démocratique et mettre un terme aux violences politiques
    récurrentes au Togo après chaque élection ;
  • Amorcer un processus de décentralisation par l’organisation d’élections locales en 2008.

De tergiversations en entourloupes, le régime de Faure Gnassingbé est parvenu, à éviter les
reformes afin de maintenir la famille Gnassingbé à la tête de l’Etat togolais. Les hold-up
électoraux qui se sont succédés depuis 2005, ont permis à Mr Faure Gnassingbé et à son
régime de se maintenir au pouvoir en verrouillant et en instrumentalisant toutes les
institutions du Togo, et en particulier celles impliquées dans le déroulement du processus
électoral (Commission Electorale Nationale indépendante, Cour Constitutionnelle, Haute
Autorité de l’audiovisuel et de la communication, Assemblée nationale).

Ainsi donc, sans limitation du nombre de mandats présidentiels, la longévité du régime
repose à la fois sur l’armée, la fraude électorale, la corruption, l’achat des consciences,
la main mise sur tous les rouages de l’économie du pays ainsi que sur toutes les
institutions de la République.

LA RÉSISTANCE D’UN PEUPLE PACIFISTE :

La mobilisation gigantesque de la population les 19 et 20 Août réclamant le retour de la
constitution originelle de 1992 ainsi que le droit de vote de la diaspora, trouve sa source
dans le non respect des engagements pris et le verrouillage de la vie politique et économique à des fins personnelles. L’absence de perspective d’une population exténuée, associée à l’aggravation de la misère et la répression systématique des manifestations hostiles au pouvoir en place, ont conduit à une exaspération de la population togolaise qui ne réclame plus que le départ pur et simple du système Gnassingbé.

Cette exaspération touche toute la population : du nord au sud, civile comme militaire,
battant en brèche l’instrumentalisation traditionnelle d’une opposition nord sud, et civils
contre militaires, principalement issus du nord du Togo.

En effet, fondées à ne pas faiblir, les manifestions sans précédent des 6 et 7 septembre, de
même que celles la Diaspora les jours suivants , ont réuni la population du Nord au Sud, de
l’est à l’ouest et par delà les frontières sous un même étendard, le drapeau Togolais. Elles
poursuivaient le même objectif : le retour à la constitution originelle de 1992 à effet
immédiat, ce qui signifie le départ de la dynastie Gnassingbé.

Cette unicité d’action sur toute l’étendue de territoire effraie la dictature, puisqu’elle fait
voler en éclat l’antienne de Monsieur Faure Gnassingbé à savoir : un antagonisme Nord-Sud
potentiellement explosif et dont il serait l’antidote, son père étant du Nord et sa mère
du Sud.

 

L’EXASPÉRATION DANS LES RANGS DE FIDÈLES

Les militants de base du parti présidentiel UNIR n’entendent plus exécuter les ordres
d’intimidation et de manipulation reçus. La solidarité ethnique se fissure par ailleurs, car
les ressortissants du nord, y compris les Kabyè ayant largement bénéficié d’une
discrimination positive en vigueur depuis le début des années 70 se demandent pourquoi, la
famille Gnassingbé serait la seule à tenir les rennes du pouvoir.

La grogne s’étend également aux casernes, surtout les rangs des jeunes militaires formés
au respect des droits humains et aux sanctions judiciaires que peuvent entrainer les
excès commis. Ceux-ci sont de plus en plus résolus à braver les ordres de la hiérarchie
afin de ne pas s’exposer aux risques de condamnation pour voies de faits. Sous la
pression de la communauté internationale, la torture est en effet un crime imprescriptible
depuis 2016, même si aucune procédure judiciaire n’a été initiée depuis l’entrée en vigueur
de cette nouvelle disposition. Très actifs sur les réseaux sociaux, notamment sur Whatsapp,
les voix dissidentes sont réduites au silence par la coupure de l’internet mobile.

DES MESURES COERCITIVES CONTRE LES MARCHES PACIFISTES

  • Les milices du parti au pouvoirDes effectifs militaires sont prélevés sur les contingents de la Brigade d’intervention rapide (BIR) et de la Garde présidentielle qui, en tenue civile mais armés, sont chargées d’infiltrer les rangs des participants aux marches ou de mener des contre-manifestations qui dégénéreraient en affrontement avec les manifestants réclamant “le changement”. C’est en prélude à ces violences organisées que le gouvernement de Faure Gnassingbé s’est livré à des manipulations tendant à faire croire que des armes seraient en circulation dans le pays, et dont certaines auraient été confisquées à des militaires lors des manifestations du 19 août 2017.
    Cette voie a été privilégiée en raison de la lassitude des milices pro régime constatant
    autant d’injustice et se ralliant progressivement au mot d’ordre de “changement”. Celles-ci sont de plus en plus réticentes à exécuter les missions de provocation et d’intimidation dont elles se chargeaient par le passé, moyennant rémunération.
  • Le concours de la force publiqueEn principe et selon la loi, seule la police, renforcée au besoin par la gendarmerie, est
    chargée des opérations de maintien de l’ordre au Togo.
    Les manifestations pacifiques d’Août et Septembre 2017 ont été émaillées de crimes
    orchestrés par certains représentants de l’autorité publique. Or, il apparaît
    incompréhensible au vue de l’ambiance des manifestations et en l’absence de troubles
    manifestes, que l’article 149 de la constitution togolaise, en particulier son troisième
    alinéa ait été érigé de fait en instrument de terreur envers la population :

    « En cas de rébellion armée et si les forces de police et de sécurité ne peuvent à elles
    seules maintenir l’ordre public le gouvernement peut, pour écarter le danger menaçant l’existence de la République ou l’ordre constitutionnel démocratique, engager les forces armées pour assister les forces de police et de sécurité …. dans la lutte contre les rebelles »

    En réalité, depuis 2012, tous les militaires togolais sont dotés de deux panoplies et sortent, suivant les ordres, soit sous l’étiquette de gendarmerie soit sous celle de l’armée. La lutte contre le peuple perçu comme ennemi intérieur, a donc progressivement pris le pas sur la défense de la sécurité et de l’intégrité territoriale qui est la mission de l’armée.

    Notons que des militaires déguisés en gendarmes, ont été en charge de la dispersion
    violente des manifestations et des opérations de représailles qui ont suivi les manifestations depuis le 19 Août, ce qui explique la brutalité de la répression.

  • L’Instrumentalisation d’une armée monolithiqueSelon les faucons du régime, le risque de guerre civile serait élevé et Faure Gnassingbé serait le seul à pouvoir garantir la paix et la sécurité du pays, surtout face au risque terroriste, ce qui justifierait son maintien au pouvoir, coûte que coûte.
    Si l’on définit la guerre civile comme ‘une lutte armée opposant les forces armées d’un
    État à des groupes armés identifiables…dans des combats dont l’importance et
    l’extension dépassent la simple révolte ou l’insurrection” et compte tenu de l’ardeur
    déployée par les autorités togolaises à affirmer, à coup de manipulations, que les
    manifestants du 19 Août détiennent des armes, l’on peut dire que le risque de guerre civile est quasiment nul au Togo.
    Tout au plus pourrait-on qualifier les manifestations de rue des mois d’Août et
    septembre de révolte citoyenne, les manifestants, en particulier ceux des 6 et 7 août
    ayant mis un point d’honneur à démontrer qu’il s’agit d’un mouvement pacifiste.

 

DES TROUBLES INTERNES À L’ARMÉE DANS LE RÉTROVISEUR

En revanche, le risque d’une révolte ou d’un schisme de l’armée est réel. D’un effectif
stabilisé autour de 13 000 à 14 000 hommes depuis le début des revendications
démocratiques, l’armée togolaise fournit volontiers des troupes pour les différentes missions
de maintien de la paix de l’ONU ou de la CEDEAO. Sa structure ethnique non plus n’a pas
beaucoup varié malgré les recommandations de la Conférence nationale de 1991 et la
mission de modernisation de l’armée financée par l’Union Européenne. Elle est toujours et
très largement composée de Kabyè et d’ethnies considérées comme alliés fidèles. Le projet
de modernisation des formes armées financées par l’Union Européenne a surtout permis au
régime de Faure Gnassingbé de “fabriquer” ses propres généraux et colonels, presque mariés
entre autres épouses et concubines, à des filles Gnassingbé.

La restructuration en cours aboutit à placer à la tête des principaux corps d’armée, des
officiers liés à la famille Gnassingbé par des liens matrimoniaux. Au sein de la grande
muette aussi, la cohésion historique ne tient que par des purges récurrentes et par le climat
de terreur engendré par les pratiques atroces d’exécution des militaires qualifiés de traitres. Si la structure monolithique de l’armée rend impossible l’hypothèse d’une guerre contre les
civils, il n’est pas exclu que brimades, injustice et frustration finissent par lézarder la
cohésion que la hiérarchie et les conseillers militaires essaient d’afficher, malgré tout.

 

CONCLUSIONS

La communauté internationale, africaine et sous-régionale surtout, a tort de rester
silencieuse face aux crimes se déroulant en ce moment même au Togo.
Il convient de ne pas attendre, avant de réagir, que le face à face entre les citoyens et le
régime de Mr Faure Gnassingbé bascule dans la « Rwandisation » dont les faucons du
régime menacent le pays.
Il convient également de jeter un regard critique sur les belles œuvres des communicants
dépêchés par ces dictatures pour séduire et rassurer leurs pairs sur leur capacité à faire
régner la paix, c’est-à- dire à faire taire toute contestation. Penser uniquement la
diplomatie française et européenne en termes d’intérêts économiques immédiats de
l’Occident ou de la prétendue stabilité du Togo et de la sous-région ouest africaine est
une politique à courte vue. Car c’est en bafouant les droits élémentaires des
populations, en avilissant les peuples, en privant leur jeunesse de travail et de toute
perspective que ces dictatures poussent les jeunes qui constituent la majorité de la
population, à trouver l’unique issue de leur avenir dans l’immigration clandestine ou
l’acceptation des emplois et mirages proposés par les groupes terroristes.
Ne pas soutenir la démocratie au Togo et dans tous les pays africains où elle est bafouée,
continuer de fournir des aides financières et militaires aux dictateurs pour qu’ils contrôlent
l’immigration illégale, c’est confier aux pyromanes la responsabilité d’éteindre l’incendie de
l’immigration illégale et du terrorisme qu’ils ont allumé ; qui plus est en leur accordant des
primes pour les désastres qu’ils ont eux-mêmes contribué à créer.
Le développement de l’Afrique est la seule issue à ces deux maux. Il est en marche et
gagnerait à se consolider et s’accélérer avec de vrais partenariats gagnant-gagnant, au lieu
et place des ventes d’armes et de la coopération militaire.

Fait à Paris le 19 Septembre 2017
Pour Synergie-Togo
Le Président

Eric Amouzougah

 

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